Hommage rendu au famous KOP

Un petit extrait de l'excellent livre "Génération Supporter" (1990, Editions Robert Laffon), par l'excellent Philippe Broussard :

Lorsqu'elle est déserte, cette tribune n'est qu'une banale colline de béton planté de barres métalliques. Elle n'a aucun charme, à l'image de la ville. Au contraire, une fois remplie d'une foule de quinze à vingt mille personnes, elle devient furieusement belle, drôle et frondeuse, fidèle et courageuse, un peu inquiétante aussi, comme cette cité portuaire tournée vers l'Irlande et réputée contestataire de la suprématie londonienne. Un peintre surréaliste représenterait sans doute le Kop sous la forme d'un énorme cœur battant à tout rompre dans une cage de fer et de béton. Cet amoncellement de corps, capable de frémir, vibrer, aimer, détester, entraîne le novice dans une paillarde et généreuse sarabande sensorielle. Se retrouver noyé dans une forêt d'écharpes rouges, entendre les chants repris à l'unisson par 18 000 voix, se laisser porter par les vagues humaines et déferler vers le bat de la tribune à chaque but des Reds, aucun stade au monde, à l'exception peut-être d'Hampden Park à Glasgow, ne saurait offrir un tel éventail de sensations.
Il faut en effet avoir assisté à un match à Liverpool, au cœur du Kop, pour comprendre pleinement ce qu'être supporter de football en Grande-Bretagne signifie, pour saisir le mythe que représentent dans le monde entier cette tribune et ce club malgré les tragiques évènements auxquels ils sont associés, volontairement (Heysel) ou non (Sheffield). Il faut s'être faufilé aux guichets, avoir glissé son billet à un employé taciturne blotti dans une guitoune grillagé, puis entendu le cliquetis des vieux tourniquets - les turnstiles - qui ouvrent la voie des travées, senti l'odeur d'urine, d'oignons et de viande bouillie qui s'infiltre jusque sous les poutrelles... Oui, il est indispensable d'avoir vécu tout cela pour prétendre savoir.